La nécessité de l’art – questions psychanalytiques

Séminaire proposé par Marie-Claude Lambotte

À travers la remise en cause actuelle du concept d’art – en particulier pour ce qui concerne certaines productions contemporaines –, nous tenterons de dégager ce qui relève de la nécessité d’un tel concept au regard de la psychanalyse, et en deçà même du concept, nous aurons à légitimer le parti pris de ce mode du « nécessaire » que les aléas du processus de sublimation peuvent contredire.

Nous ne pouvons ignorer, pour ce faire, le contexte philosophique et sociologique duquel les définitions de l’art restent tributaires, qu’elles soient essentialistes ou bien analytiques, de même que la portée des critères académiques qui les caractérisent encore et, tout spécialement, ceux qui se rattachent au « beau ». Mais notre intention vise, au-delà du bouleversement de ces critères que nous vivons depuis les exemples d’un Warhol ou d’un Duchamp, à rendre compte de la nécessité de l’acte créateur en ses fondements psychiques structuraux pour le sujet et en sa fonction pour le socius, ces deux points de vue participant intrinsèquement à la constitution du lien social.

La fin de l’art s’est trouvée affirmée en particulier dans les années soixante avec les objets dits « indiscernables » dont le fameux Boîte Brillo d’Andy Warhol fut l’un des premiers exemples. Et depuis, d’autres manifestations très éloignées de nos représentations artistiques habituelles continuent à remettre en question le concept d’art attribuant, par là même, à notre faculté perceptive l’importance excessive d’une faculté de jugement. C’est oublier que la perception est antéprédicative, et que si nous disons « voir un arbre » nous disons de fait « ceci est un arbre ». Nous devrons alors retrouver la dynamique d’un originaire perceptif dans l’acte créateur apte à nous permettre de mettre en suspens notre jugement et de saisir le principe intime et nécessaire de la création à travers toutes les possibilités qui ont précédé la naissance de l’œuvre et dont son achèvement continue de témoigner.

Or, les fictions d’un modèle originaire de perception tel que celle de la psychanalyse et celle de la phénoménologie  pour la première, la formation de l’appareil psychique en l’ordonnancement des Vorstellungen primitives dont les effets continuent d’agir sur l’objet « a » et la Chose dans leurs expressions respectives, pour la seconde, le monde prédonné des synthèses passives  permet de concevoir ce qui, dans l’acte créateur, relèverait de la seule visée sensible (esthétique) par rapport à ce qui relèverait de l’élaboration symbolique. Cette différence légitimerait le maintien du concept d’art dès lors que le symbolique relève d’une adresse à l’autre et prévient du danger d’une seule esthétique solipsiste. La marque symbolique de l’œuvre d’art entre donc dans la définition de celle-ci comme une condition nécessaire qui fait toute la différence entre un objet artistique et un objet esthétique, différence que nous aurons à expliciter. Mais cette condition nécessaire n’est plus suffisante, et en particulier pour ce qui concerne l’art contemporain qui, parfois, semble ne plus accorder au regardant le repère symbolique minimal qui lui permettrait d’entrer en rapport avec l’œuvre.

En effet, dans notre univers de références actuelles, l’œuvre demande un engagement de la part du spectateur/regardant, au-delà d’une esthétique de la réception, engagement porté par l’intérêt d’apprendre de l’œuvre à formuler sa propre réflexion. L’œuvre d’art témoigne toujours de l’inaccessibilité de son intention (la Chose lacanienne) et, en cela, tient du propos philosophique autant qu’esthétique. À la différence de ces deux disciplines, la psychanalyse permet, au-delà de cette inaccessibilité, de situer le sujet précisément dans ce qui lui échappe et qui le mène à jouer de l’interprétation des signifiants. L’œuvre, serait alors l’inter-esse, la marque du sujet dans le nécessaire passage d’un signifiant à un autre, tant pour le créateur que pour le spectateur. Elle laisse ainsi ce dernier devant le choix éthique d’en percevoir la valeur dans le tout qu’elle propose ou dans le rien de sa négativité, ceci en fonction d’un critère plus actuel, celui de l’ »intérêt » ou de la « considération ». Le type de l’artiste voisinerait ainsi avec le type du mélancolique, entre le désir du manque et l’identification au rien, et la question de la perception, si elle tient d’une structure psychique singulière, participerait d’un choix éthique, dans le désir d’effet de sens qui mène à la création de signifiants nouveaux. (C’est encore une possible interprétation du « s’expliquer avec l’objet » que Lacan assigne au mélancolique, comme une condition nécessaire pour lier la pulsion à de nouveaux représentants de représentation.)

Mercredi 12 octobre 2016
Mercredi 16 novembre 2016
Mardi 24 janvier 2017
Mardi 28 février 2017
Mardi 28 mars 2017
Mardi 25 avril 2017
Mardi 23 mai 2017
Mardi 27 juin 2017

à 21h00 à l’Institut Protestant de Théologie, 83 bd Arago, 75014 Paris.

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